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Les expériences de la Mère
La compassion et la gratitude sont des vertus essentiellement
psychiques. Elles n'apparaissent dans la conscience qu'avec la participation de
l'être psychique à la vie active.
Le vital et le physique les sentent comme des faiblesses
parcequ'elles mettent un frein à la libre expression de leurs impulsions basées
sur le pouvoir de la force.
Comme toujours, le mental, lorsqu'il n'est pas suffisamment
éduqué, est complice de l'être vital et l'esclave de la nature physique dont il
ne connaît pas bien les lois, écrasantes par leur mécanisme semi-conscient.
Quand le mental s'éveille à la conscience des premiers mouvements psychiques, il
les déforme dans son ignorance et change la compassion en pitié ou au mieux en
charité, et la gratitude en volonté de récompenser, suivie peu à peu par la
capacité de reconnaître et d'admirer.
Ce n'est que lorsque la conscience psychique est toute-puissante dans l'être, que la compassion pour tout ce qui a besoin d'être aidé,
dans quelque domaine que ce soit, et la gratitude pour tout ce qui se manifeste,
sous quelque forme que ce soit, la présence et la grâce divines s'expriment dans
leur pureté initiale et lumineuse, sans mélanger à la compassion aucun vestige
de condescendance, et à la gratitude aucun sens d'infériorité.
15 juin 1952
QUELQUES
EXPÉRIENCES
DE LA CONSCIENCE DU CORPS
On peut dire, avec la même exactitude, que tout est divin et que
rien n'est divin. Tout dépend de l'angle sous lequel on regarde le problème.
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On peut dire, de même, que le Divin est en perpétuel devenir et,
aussi, qu'il est immuable de toute éternité.
Nier et affirmer l'existence de Dieu sont également vrais, mais
chacun ne l'est que partiellement, et c'est en montant à la fois au-dessus de
l'affirmation et de la négation que l'on peut s'approcher de la vérité.
On peut dire encore que tout ce qui arrive, dans le monde est le
résultat de la volonté divine, et aussi que cette volonté doit être exprimée et
manifestée dans un monde qui la contredit ou la déforme ; ce sont deux attitudes
ayant respectivement la conséquence pratique de se soumettre avec paix et joie
à tout ce qui arrive, ou au contraire de lutter sans répit pour faire triompher
ce qui doit être. Il faut savoir s'élever au-dessus des deux attitudes et les
combiner pour vivre la vérité.
Avril 1954
Gardez votre conviction, si elle vous aide à construire votre
vie ; mais sachez que ce n'est qu'une conviction et que les autres sont aussi
bonnes et vraies que la vôtre.
Avril 1954
La tolérance est pleine d'un sens de supériorité; elle doit être
remplacée par une compréhension totale.
Avril 1954
Parce que la vérité n'est pas linéaire, mais globale, et qu'elle
n'est pas successive, mais simultanée, elle ne peut pas s'exprimer
en mots : elle doit se vivre.
Avril 1954
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Pour avoir la conscience parfaite et totale du monde tel qu'il
est dans tous les détails, il faut d'abord n'avoir plus aucune réaction
personnelle a. l'égard d'aucun de ces détails, ni même aucune préférence
spirituelle concernant ce qu'ils devraient être. En d'autres mots, une
acceptation totale dans une neutralité, une indifférence parfaite, est la
condition indispensable à une connaissance par identité intégrale. S'il y a un
détail, si petit soit-il, qui échappe à la neutralité, ce détail échappe aussi à
l'identification. L'absence de réactions personnelles, dans quelque but qu'elles
soient, même le plus élevé, est donc une nécessité primordiale pour une
connaissance totale.
On pourrait donc dire, de façon paradoxale, que nous ne pouvons
savoir que ce qui ne nous intéresse pas, ou plutôt, plus exactement, ce qui ne
nous concerne pas personnellement.
Avril 1954
Chaque fois qu'un dieu s'est revêtu d'un corps, cela a toujours
été avec l'intention de transformer la terre et de créer un monde nouveau. Mais
jusqu'à ce jour, il a dû abandonner son corps avant d'avoir pu terminer son
œuvre; et toujours il a été dit que la terre n'était pas prête, que les hommes
ne remplissaient pas les conditions requises pour que l'œuvre puisse être
achevée.
Mais c'est l'imperfection même du dieu incarné qui rend
indispensable la perfection de ceux qui l'entourent. Si le dieu incarné
réalisait la perfection nécessaire pour le progrès à faire, ce progrès serait
inconditionné par l'état de la matière environnante. Cependant, dans ce monde
d'objectivation extrême, l'interdépendance est sans doute absolue, et un certain
degré de perfection dans l'ensemble de la manifestation est indispensable pour
qu'un degré supérieur de perfection puisse être réalisé dans l'être divin
incarné. C'est la nécessité d'une certaine perfection dans l'ambiance, qui force
les êtres humains à progresser; c'est l'insuffisance de ce progrès, quel qu'il
soit, qui incite l'être divin à intensifier son effort de progrès dans son
corps.
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Ainsi
les deux mouvements de progrès sont simultanés et se complètent.
Avril 1954
LES
NOUVELLES EXPÉRIENCES
DE LA CONSCIENCE DU CORPS
Lorsqu'on regarde en arrière dans sa vie, on a presque toujours
l'impression que, dans telle ou telle circonstance, on aurait pu mieux faire,
même quand à chaque minute l'action était dictée par la vérité intérieure; c'est
parce que l'univers est en perpétuel mouvement et ce qui était parfaitement vrai
autrefois, ne l'est plus que partiellement aujourd'hui. Ou, pour dire la chose
plus exactement, l'action qui était nécessaire au moment où elle fut accomplie,
ne le serait plus au moment présent, et une autre action pourrait prendre sa
place plus utilement.
Août 1954
Quand nous parlons de transformation, le mot a encore pour nous
un sens vague. Il nous donne l'impression de quelque chose qui doit se passer et
qui fera que tout sera bien. La notion se réduit à peu près à ceci : si nous
avons des difficultés, les difficultés disparaîtront; pour ceux qui sont
malades, la maladie sera guérie ; si le corps a des infirmités ou des
incapacités, les infirmités et les Incapacités s'effaceront; et ainsi de
suite... Mais, comme je l'ai dit, c'est très vague, ce n'est qu'une impression.
Il est très remarquable que la conscience corporelle ne peut savoir une chose
avec précision et dans tous les détails que lorsque cette chose est sur le point
de se réaliser. Ainsi, quand le processus de la transformation deviendra clair,
quand on pourra savoir par quelle suite de mouvements et de changements la
transformation
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totale prendra place, dans quel ordre, par quel chemin, pour
ainsi dire, quelles seront les choses qui arriveront d'abord, celles qui
arriveront ensuite, quand tout, dans tous les détails, sera connu, ce sera une
indication sûre que le moment de la réalisation est proche; car chaque fois que
vous percevez avec exactitude un détail, cela veut dire que vous êtes prêt pour
son exécution.
Pour le moment, on peut avoir la vision d'ensemble. Il est, par
exemple, tout à fait certain que, sous l'influence de la lumière supramentale la
transformation de la conscience corporelle prendra place d'abord ; qu'un
progrès, dans la maîtrise et le contrôle de tous les mouvements et du
fonctionnement de tous les organes du corps, viendra ensuite; que cette maîtrise
se changera petit à petit en une espèce de modification radicale du mouvement,
puis de la constitution de l'organe lui-même. Tout cela est certain, quoique
assez imprécis dans la perception. Mais ce qui prendra place à la fin — quand
les différents organes seront remplacés par des centres de concentration de
forces, de qualités et de natures différentes, qui agiront chacun selon son mode
spécial —, cela n'est encore qu'une conception, et le corps ne comprend pas
bien, parce que c'est encore très loin de la réalisation et que le corps ne peut
vraiment comprendre que ce qu'il est sur le point de pouvoir faire.
Août 1954
Le corps supramentalisé sera insexué, puisque les besoins de la
procréation animale n'existeront plus.
La forme humaine gardera donc seulement sa beauté symbolique, et
d'ores et déjà on peut prévoir la disparition de certaines protubérances
disgracieuses, telles que les organes génitaux de l'homme et les glandes
mammaires de la femme.
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C'est seulement dans sa forme extérieure, dans son apparence la
plus superficielle, aussi illusoire pour les dernières découvertes de la Science
d'aujourd'hui que pour l'expérience de la spiritualité d'autrefois, que le corps
n'est pas divin.
Août 1954
Suprême Réalité, Vérité Supramentale, ce corps est tout vibrant
d'une intense gratitude. L'une après l'autre, Tu lui as donné toutes les
expériences qui peuvent le plus sûrement le mener vers Toi. Il en est au point
où l'identification avec Toi n'est pas seulement l'unique chose désirable, mais
aussi l'unique chose possible et naturelle.
Comment décrire ces expériences qui se trouvent aux deux
extrêmes opposés. À un bout, je puis dire :
"N'est-ce point, Seigneur, que pour être vraiment proche,
vraiment digne de Toi, il faut boire jusqu'à la lie la coupe de l'humiliation,
et ne pas se sentir humilié. Le mépris des hommes rend vraiment libre et prêt
pour n'appartenir qu'à Toi."
A l'autre bout, je dirai :
"N'est-ce pas, Seigneur, que pour être vraiment proche, vraiment
digne de Toi, il faut être porté au sommet de l'appréciation humaine, et ne pas
se sentir glorifié. C'est lorsque les hommes vous appellent Divin, qu'on sent le
mieux son insuffisance et le besoin d'être vraiment et totalement identifié à
Toi,"
Les deux expériences sont simultanées, l'une n'efface pas
l'autre, au contraire, elles semblent se compléter et en devenir plus intenses.
Dans cette intensité, l'aspiration croît, formidable; et, en réponse, Ta
présence devient évidente dans les cellules, donnant au corps l'apparence d'un
kaléidoscope multicolore dont les innombrables particules lumineuses, en
constant mouvement, sont magistralement réorganisées par une main invisible ; et
toute-puissante.
Août 1954
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